Sommes-nous des lumières ?

Edito issu de l'Echo 214 : 

Assis dans un fauteuil confortable du grand salon, je ne peux quitter du regard la façade de cet hôtel new-yorkais entièrement revêtue de longs bâtonnets de cristal, semblables aux tuyaux d’un orgue gigantesque. De longs rayons de soleil en jaillissent et viennent baigner l’espace où je me trouve de leurs éclats multicolores. Sans eux, cette pièce ne serait qu’un salon d'hôtel confortable de plus. Avec cette lumière unique, le lieu devient sublime. 

Cette année, le Collège a choisi le thème de la lumière pour interpeller les élèves et la communauté éducative. La lumière fascine, elle est redoutable. Elle réchauffe comme elle brûle, elle met en lumière le beau, comme elle révèle la laideur. Nous pouvons saisir cette occasion de réfléchir à cette analogie très fondamentale avec nos propres personnes. Comme les longs cristaux de cette magnifique façade, nous sommes dotés du pouvoir redoutable de transmettre la lumière, de la modifier, de la pervertir ou de la sublimer. En quoi sommes-nous lumineux ? Quel rayonnement avons-nous ?

Nous qui avons tant reçu, avons-nous encore cette lumière intellectuelle – cette lucidité, morale et spirituelle ? Combien de personnes ont dévoué leur vie à nous la transmettre ?

Question ô combien redoutable, que celle de savoir si nous sommes de bons héritiers de ces « lumières » reçues et comment nous rayonnons sur nos amis, conjoints, collègues, enfants... 

Souvent, au gré des rencontres avec nos anciens camarades, je me fais la réflexion que nous n’avons pas le même zèle que nos aînés à transmettre les valeurs humaines et historiques fondamentales. Nous ne ressentons pas la même urgence qu’eux. Nous en connaissons la raison : après la génération des guerres, les années de paix et de prospérité retrouvées, suivies par des décennies de libération des mœurs, nous ont totalement anesthésiés. Nous prenons la vertu et la force morale comme un acquis. Du mythe du bon sauvage, nous adhérons en masse à celui du bon civilisé. Quelle naïveté... Le confort de nos vies agit comme un agent soporifique sur nos consciences. Qui parle encore de l’urgence d’éclairer les intelligences sur la fragilité de la vie et sa réalité sacrée ? Au vu de l’actualité et des poussées nationalistes, qui d’entre nous consacre à ses enfants les heures nécessaires pour mettre en lumière  les raisons de la grande période de paix dont jouissent les grandes puissances d’Occident, afin qu’ils ne tombent pas, un jour, dans les mêmes ornières que leurs aïeux ?

Cette façade d’hôtel aux mille cristaux inonde le salon d’un bain de lumière joyeuse. Tout autant, l’esprit d’un ancien de Stan peut-il être une lumière de responsabilité et d'espérance pour notre société.

M. Benoît MAILLARD

Président

Promo 1996