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Fraternité en Irak

Panache!

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14/12/2020

 FRATERNITE EN IRAK


Jean-Baptiste MARY, ancien élève de Stan, étudiant en deuxième année de master « Finance d’entreprise » à Dauphine, a rejoint cet été l’association Fraternité en Irak pour deux semaines afin de visiter les minorités persécutées en Irak.

En 2010 les attentats dans la cathédrale de Bagdad - environ quatre-vingts morts - ont eu pour conséquence la fuite de nombreuses familles chrétiennes de Bagdad et Mossoul vers la plaine de Ninive où se trouvaient déjà des villages chrétiens. L’été 2014 est marqué par les conquêtes de l’État islamique qui pousse à l’exil des centaines de milliers de chrétiens et autres minorités vers le Kurdistan, zone indépendante réputée plus sûre au nord de l’Irak. Or c’est une région dans laquelle les Kurdes parlent leur propre dialecte. Le plus difficile pour les minorités réfugiées est donc la barrière de la langue : ils se sentent étrangers dans leur propre pays. Depuis 2014, ces personnes ont passé neuf mois sous des tentes ou dans des bâtiments inachevés. Aujourd’hui, le gouvernement de Bagdad et d’autres associations comme l’Œuvre d’Orient ont financé l’achat d’un mobil-home par famille. Cette région est pour le moment en paix, car elle est sous la protection des Kurdes disposant de leur propre armée. Fraternité en Irak a principalement des projets dans cette partie du nord de l’Irak.

En 2010, l’évêque chaldéen de Kirkouk, Mgr Sako, aujourd’hui patriarche de l’Église chaldéenne (catholique d’Orient) a invité quelques jeunes Français qui souhaitaient servir leurs frères chrétiens en Irak ; ces derniers sont venus passer dix jours à Kirkouk et ont créé des liens amicaux avec cet évêque et les prêtres de la région. C’est à la suite de cette rencontre qu’a été fondée l’association Fraternité en Irak, dont l’objectif est d’aider les minorités à jouer un rôle positif dans leur pays, et à leur permettre de vivre dans les meilleures conditions possibles. Sa première mission est de tisser des liens d’amitié avec les familles irakiennes pour leur montrer qu’on ne les oublie pas. Parallèlement, cette association finance et suit des projets dans le domaine de la santé (construction de dispensaires et achats de médicaments), de l’éducation (construction d’écoles pour les Chrétiens comme pour les Yézidis), de la foi (édification d’une église), et de la réinsertion professionnelle (construction d’une boulangerie et d’une petite usine) ou de l’urgence. Personnellement, j’ai coordonné pendant mon séjour le projet de construction d’une usine de sim-sim, crème de sésame, dont les Irakiens sont très friands et qu’ils mangent avec du pain. Ce projet permet à la fois de donner du travail à six Irakiens, et à l’ensemble des personnes du camp d’acheter ce produit moins cher que dans les supermarchés environnants. Tout le monde est gagnant, car on redonne du travail, et les bénéfices sont réinvestis dans d’autres projets sociaux. Étant accueillis par l’Église, les membres de l’association ont tissé une vraie fraternité avec les prêtres et les évêques locaux qui leur font part régulièrement de leurs doutes et de leurs interrogations… Cette proximité leur permet de connaître au plus près les besoins des réfugiés et engendre une véritable efficacité. Il est important de ne pas arriver comme des colons en proposant nos propres projets, mais d’utiliser les structures locales pour agir, afin de renforcer leur légitimité aux yeux de la population. Le clergé notamment donne des idées sur les projets à financer et les suivent dans la durée, permettant d’intégrer les réfugiés habitant ces camps en leur redonnant du travail et en les rendant acteurs de tout ce qu’il y a construire. Notre discrétion nous permet de vivre une relation authentique avec les familles que nous rencontrons. Elles sont très accueillantes et nous reçoivent très souvent pour le thé, le café ou même à déjeuner avec des plats cuisinés très raffinés et un vrai sens du service. C’est très touchant, surtout quand on se rappelle que ces familles qui nous accueillent ont tout perdu…


Avec l'évêque de Mossul exilé à Erbil et deux moines de l'Abbaye d'Al-Qosh


L’association envoie tous les mois des volontaires pour visiter les réfugiés et suivre les missions en cours. Pendant notre absence, nous pouvons compter sur l’appui d’amis irakiens extraordinaires pour être nos intermédiaires sur place. Tous les bénévoles payent eux-mêmes leurs frais de nourriture et leurs billets d’avion, ce qui permet à 99% des dons d’être utilisés localement pour financer nos projets. Seul 1% est dédié aux frais de fonctionnement (envoi de reçus fiscaux…). C’est une spécificité à laquelle tous les membres de Fraternité en Irak sont particulièrement attachés.

À cause de la barrière de la langue, les réfugiés n’ont pas la possibilité de se réinsérer durablement dans cette région. Ils sont dans l’attente de pouvoir retourner chez eux, ou en quête d’un visa pour l’Europe. Comment ne pas les comprendre ? Nous les encourageons néanmoins à rester sur place, à tenir bon. Malheureusement, aujourd’hui, ils n’ont pas d’horizon sur la date à laquelle ils pourront rentrer dans leurs villages… Certains ont beaucoup de mal à s’occuper, à trouver un sens à leurs journées. Ils sont exténués par l’attente et les conditions de vie. D’autres mettent tous leurs talents au service d’une petite activité entrepreneuriale. Sur le plus grand camp de réfugiés d’Erbil (Ashti) qui regroupe environ 1200 mobil-homes, trente à quarante petits commerces se sont installés. On voit émerger des épiciers, des drogueries, des coiffeurs, mais aussi des commerces bien plus originaux… Un groupe d’Irakiens démonte des palettes de supermarchés pour en faire des lits, des petits meubles… Nous avons rencontré des personnes avec un talent extraordinaire, et beaucoup d’imagination.

Les Irakiens sont aussi des gens très cultivés, notamment dans le domaine de la médecine et l’éducation. Ils sont une vraie richesse pour leur pays. Suite à l’occupation de Mossoul par les Islamistes en juin 2014, l’université de Mossoul vient d’être transférée à Kirkouk, seule ville arabophone du nord du pays. Un des projets très concrets de Fraternité en Irak, est d’aider l’évêque, Mgr Youssef Thomas, à louer des maisons pour loger les étudiants chrétiens afin qu’ils puissent poursuivre leurs études. Les étudiants sont l’avenir de l’Irak : si l’on veut qu’ils puissent jouer un rôle positif dans la reconstruction de leur pays, il faut impérativement qu’ils puissent poursuivre leurs études sur place.

Les enfants reprennent progressivement l’école dans des lieux précaires aménagés pour cela. Ils n’ont ni jouets ni terrains de jeu – il n’y a pas de verdure car le camp est très poussiéreux. Même pour ces enfants, la vie n’est pas évidente. Beaucoup sont courageux et essaient d’apprendre le mieux possible malgré la difficulté de faire leurs devoirs dans un logement précaire et exigu. J’ai été impressionné par une famille dans laquelle Zeena et Haneen, deux petites filles de 3 et 7 ans, traduisaient l’arabe en anglais pour que nous puissions discuter avec leurs parents.

L’Irak est historiquement une terre chrétienne, bien avant l’arrivée de l’Islam. Le christianisme s’y est implanté dès le 1er siècle après J.-C. : ce sont les ancêtres de ces chrétiens d’Orient qui nous ont apporté la foi. Il y a d’ailleurs encore aujourd’hui un million de personnes qui ne parlent pas l’arabe, mais uniquement l’araméen, la langue du Christ. Le monastère d’Alqosh, véritable merveille architecturale du VIIe siècle, témoigne de cet enracinement de la foi. Depuis ce site, il y a une bonne vision sur toute la plaine de Ninive. L’an dernier l’État islamique était seulement à deux kilomètres, aujourd’hui il a été repoussé par les Kurdes et se trouve à seize kilomètres du monastère. La nuit, on voit au loin la ville de Mossoul éclairée, occupée par les Islamistes ; entre les deux, une large bande noire laisse entrevoir la ligne de front : c’est très impressionnant. Les frontières bougent actuellement beaucoup en Syrie, mais elles pourraient à nouveau bouger en Irak… Toutes ces personnes que nous avons rencontrées vivent dans l’incertitude.

Ce séjour en Irak m’a permis de me rendre compte que l’on n’est pas grand-chose par rapport aux événements qui se passent dans le monde. Qu’il est plus que jamais nécessaire de soutenir ces réfugiés. Ils nous apprennent beaucoup : leur vie est un témoignage de foi extraordinaire pour nous chrétiens d’Europe. Je pense qu’il est important de quitter ses zones de confort, de découvrir d’autres horizons : cela fait grandir énormément.

Je terminerai par le mot de Mgr Petros-Mouché, l’archevêque de Mossoul en exil : « Parlez de nous en France, afin que l’on ne nous oublie pas. Nous avons besoin votre aide matérielle, de vos soutiens politiques, mais aussi de vos prières. »

Jean-Baptiste MARY (Promotion 2011)

Si vous souhaitez en savoir plus sur les missions de Fraternité en Irak ou faire un don : http://fraternite-en-irak.org


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